Oktiabrskaia revolioutsiia

« Ils m’ont même quitté mon identité, je ne suis plus rien »
Il y a cent ans, dans la nuit du 25 octobre 1917, éclate la révolution bolchévique connue universellement comme la révolution d’octobre. Pour notre calendrier, l’Oktiabrskaia revolioutsiia se déroula le 7 novembre 1917.

Allait-elle balayer toutes les inégalités et iniquités du régime tsariste ?
Souvent, dans ces périodes historiques troubles, le nouveau pouvoir en place prend la peine de sauvegarder, pour quelques temps, partie de l’appareil répressif de l’ancien régime, ou, pour le moins, quelques mesures utiles à surveiller la population.

C’est le cas de la propiska, ce tampon administratif qui aujourd’hui encore perdure.
L’histoire de Veronika, citoyenne russe, est exemplaire de la perversité de la propiska. Elle nous raconte : « A la gare pétersbourgeoise de Moskovsky on m’a volé mon sac à main avec mes papiers, mon argent. Les flics, pour enregistrer ma plainte, voulaient de l’argent. Et sans le sous pour les soudoyer je me suis retrouvée en un instant citoyenne sans existence administrative. Depuis je suis tombée enceinte, le père n’a pu m’épouser car je n’ai plus cette propiska. Pas d’accès non plus aux soins prénataux et le jour de l’accouchement, aux urgences, seul lieu hospitalier recevant une parturiente sans-papier, les médecins refusent d’enregistrer ma fille Olga. Il en fut de même pour Nastia mon autre fille. Sans papier je n’existe pas, et elles non plus. »

La propiska
Le mot propiska vient du verbe propisat’ inscrire. La propiska signifie l’obtention d’un permis de résidence. La structure légale et sociale en Russie fait en sorte que la plupart des avantages sociaux dépendent de la propiska.
Jusqu’en 1932, la propiska a un caractère plutôt informatif, mais à partir de cette date est introduit le système commun des passeports. Dès son instauration, la propiska change radicalement de profil. Son but est d’enregistrer la population des villes, des cités ouvrières et des cités nouvelles, de nettoyer (sic) ces lieux des éléments criminels, des koulaks (paysans aisés) et des gens antisociaux, en vue d’affermir la dictature du prolétariat.
A ce moment-là, l’existence de l’individu est soumise à un contrôle drastique, de la naissance à la mort, elle est régie par un tampon administratif, cette fameuse propiska.

Rien ne change
A la chute du régime communiste, en 1991, la Fédération de Russie adopte un nouveau système d’enregistrement ayant trait aux droits des citoyens à la liberté de déplacement, au lieu de séjour et de résidence.
Cependant, malgré cette loi, les autorités locales émettent leurs propres documents réglementaires relatifs à la limitation de la possibilité de l’enregistrement (propiska) sur leurs territoires. Tant bien même que ces décisions soient invalidées par le Tribunal Constitutionnel, la situation ne change pas et l’application de la propiska se prolonge aujourd’hui encore.

Des millions de citoyens russes sans-papiers dans leur propre pays
Si à l’époque soviétique c’est la perte de la propiska qui est à l’origine de la perte du logement et donc de l’identité administrative, en Russie post-soviétique la situation est devenue contraire, c’est la perte du logement qui entraîne la perte de la propiska.
De façon générale, il apparaît que le lien entre la perte de logement et la perte de la propiska conduit à remettre en cause la place de la personne dans l’espace social. En considérant la propiska comme un axe autour duquel gravitent toutes les structures sociales, juridiques et professionnelles, on peut comprendre pourquoi la perte de propiska a un tel impact sur les trajectoires individuelles.
Sans le sésame de la propiska, le Russe n’a aucun droit. Et très vite le sans-papier devient un sans-abri.

A Saint-Pétersbourg ils sont plus de 60’000 humains à n’avoir aucune existence légale. Ils survivent dans des conditions exécrables.

Brutalement pénalisés
Il est tout de même incroyable qu’en 2017 un pays puisse brutalement pénaliser ses citoyens simplement pour une règle administrative qui date d’il y a plus de cents ans, c’est inhumain, conclut Grigori Sverdlin, président de Nochlechka.

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