La déchirure

Artiom, 45 ans. A l’instar des centaines de milliers de citoyens russes sans papier, il a vu son quotidien s’effondrer plus encore le jour où on lui vola ses papiers d’identité.

Un petit deux pièces sans trop de confort
Nous rencontrons Artiom au Centre d’Accueil de Nochlechka, il nous raconte :
Il y a six mois j’habitais à Storozhno, ce petit village au bord du lac Ladoga. Vous savez celui qui a l’un des plus hauts phares du monde. Un petit deux pièces sans trop de confort dans un immeuble assez délabré datant de l’époque Khrouchtchev. Je l’avais acheté avec mes faibles économies.

Violente coercition
Un jour, une vague connaissance de bistrot vient chez moi et me fait boire. Comme il n’y avait pas trop de bouteilles cet homme me propose d’aller chez lui.
J’ai soif et je le suis.
Dans sa Lada un inconnu nous accompagne. La voiture s’arrête en rase campagne et là ils insistent méchamment pour que je signe des papiers.
Je refuse, je suis battu et abandonné dans le froid. Avec bien des difficultés je regagne à pied Storozhno. Je ne comprends pas ce qui m’est arrivé si ce n’est que j’ai mal partout.

Ce n’est pas facile de travailler ainsi tout courbaturé, surtout en hiver poursuit Artiom, heureusement qu’un peu de gnole facilite les mouvements.
Artiom est fossoyeur. L’hiver, pour creuser la terre gelée, il est obligé d’allumer des feux. A Storozhno Artiom a une renommée d’alcoolique chevronné.
Est-ce cette notoriété qui lui vaut cette attention toute particulière ? En tous les cas quelques jours plus tard les deux malandrins reviennent à la charge.

Je n’ai plus rien, je ne suis plus rien
Ne voilà-t-il pas, qu’ils m’invitent fermement à les suivre me dit Artiom. Un avocat nous accompagne et nous nous retrouvons dans un bureau de l’administration.
Je ne comprends toujours rien, pourquoi en veulent-ils à ce deux-pièces. Je ne veux pas le vendre. J’irai où, au cimetière ?
Je prétexte de ne pas avoir mes lunettes et je refuse, une fois encore, de signer leurs papiers. La situation dégénère. Le fonctionnaire me prend violemment à parti. L’avocat intervient et soi-disant pour me sauver la vie m’oblige à signer. De plus, il s’approprie de tous mes papiers.
Je n’ai plus rien, je ne suis plus rien.

Ces acquisitions forcées n’ont rien d’exceptionnelles en Russie. D’ailleurs on a signalé plusieurs cas semblables à Storozhno. Les victimes, des personnes âgées. Vu la corruption qui règne, ces vols de propriété reste le plus souvent totalement impunis. Et pour les propriétaires grugés la peine est double. En perdant leur bien, ils perdent aussi leur Propiska et deviennent des invisibles.

Une enfance massacrée
En cette mi-décembre 2018, Artion se retrouve à la rue. Sa tante, une Pétersbourgeoise, vient le récupérer et l’amène directement chez Nochlechka. Elle ne veut pas de lui. Toujours cette popularité de boit-sans-soif.
Il faut dire qu’Artion a de qui tenir. Né à Saint- Pétersbourg, il n’a vu son père qu’une fois ou deux. Son beau-père, Boris, se charge de son éducation, à la dure. Un serrurier alcoolique qui a la singulière habitude de frapper violemment sa famille.
Un jour, Boris est tué dans une bagarre. Artiom, 13 ans, doit travailler pour nourrir sa mère. Il est arrêté pour vol, emprisonné, c’est là qu’il apprend le décès de sa mère, d’une cirrhose explique-il.

Nochlechka à la rescousse
Depuis son arrivée au centre, Artion suit assidûment une cure de désintoxication et les séances des Alcooliques Anonymes. Les juristes de l’ONG ont bon espoir de lui récupérer son identité.

Appuyer Nochlechka, vous sauver des vies.

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